Une étude est donc lancée sur la validation du port d’armes non-létale par les agents de la police municipale de Reims. Une décision qui complète les projets déjà établis du plan d’action sécurité 2014-2018 en surfant sur la peur déclenchée par les fusillades parisiennes du mois de janvier et qui s’inscrit dans une démarche globale d’armement de la police municipale comme le montre la décision similaire, elle clairement assumée, de la municipalité de Châlons-en-Champagne.
La supercherie des armes « non-létales »
Il convient déjà de préciser que les armes « non-létales » n’existent pas. Dans la doctrine militaire des États-unis qui avait mis en place la réflexion autour de celles-ci dès les années soixante, elles ont depuis été requalifiées comme étant des armes « à létalité réduite ». Une modification sémantique qui, si elle colle plus à la réalité, ne semble pas obtenir les faveurs de nos élus, ni de nos journalistes, et l’on comprend pourquoi...
Ainsi en 2014, deux personnes sont mortes, tuées par ces armes « qui ne tuent pas »... Un chiffre qui monte à 5 morts et 11 blessés graves, si on ne tient compte que des cas recensés par le collectif Urgence notre police assassine entre 2005 et 2014. Le flash-ball, souvent présenté comme l’arme « non-létale » par excellence avec ces balles en caoutchouc, est responsable à lui seul de l’éborgnement de 7 personnes, dont une fillette de 9 ans et de la mort d’un homme à Marseille en 2010.
Bien sur, nous ne parlons là, que des deux « stars » du « non-létal » en France. Mais partout à travers le monde, les armes incapables de tuer se déclinent sous quasiment toute les formes possibles. On pourrait par exemple citer, le « gaz incapacitant » qui avait été utilisé à Moscou lors de la prise d’otage dans un théâtre en octobre 2002, aussi bien que les canons à lumière utilisés aux États-unis, censés éblouir les manifestants et qui brulent durablement la rétine.
L’intérêt de ce types d’armes
L’un des intérêts de ce type d’arme, on le comprend très vite puisqu’elles ne tuent pas, est qu’on peut s’en servir sans trop réfléchir. Ainsi même le Figaro a parlé de "l’utilisation trop fréquente du Taser ou du Flash-Ball." L’excuse de « non-létalité » a permis, rien qu’en 2012, d’avoir recours au Taser dans 970 situations et au Flash-Ball dans 1302 situations.
Une utilisation à outrance qui conduit à des cas dramatiques, comme en janvier 2013, où un automobiliste avait été grièvement brulé à la suite d’un tir de Taser alors qu’il était déjà asphyxié au milieu du gaz lacrymogène...
Mais c’est loin d’être le seul intérêt de ces armes. Comme nous l’avons déjà vu, celles-ci se sont développées aux États-unis dans les années 60. A l’époque, « dans un contexte marqué par l’émergence des masses contestataires et des mouvements de défense des droits civiques, la théorie de la non-létalité a gagné à partir du début des années 1990 une place centrale dans la réflexion militaire sur les conflits asymétriques et la guerre urbaine. » [1]
L’objectif est simple, et part d’un constat dramatique... Dans le cadre de la gestion de la population de son propre pays, il peut être assez handicapant pour les forces de police de tuer quelqu’un, quoique la plupart du temps la question ne soit pas si grave que ça... A contrario, il apparait opportun de se présenter pavé de bonne intention en ayant recours à des armes soit-disant incapables de tuer. Surtout si l’on sait remarquer que là où la mort d’un individu entraine souvent une vague de contestation, sa mutilation, même à vie, n’aura pour conséquence que de faire naitre la peur...
Pourquoi armer la police municipale ?
Loin de nous, l’idée d’accuser la municipalité de vouloir faire naitre la peur dans la population, quoique... Mais essayons de comprendre un peu l’intérêt de fournir des armes à des fonctionnaires de police municipale.
Le danger auquel serait exposé les policiers semble d’emblée au cœur du débat. Un danger somme toute relatif puisque comme le déclare Xavier Albertini à L’union, cette inquiétude nait alors que "c’est le troisième policier municipal que les agents voient tomber, » en référence à la fusillade de Montrouge et à l’affaire Merah. Permettons nous ici de soumettre à Xavier Albertini, l’hypothèse de nous laisser manifester armés suite à toutes les affaires de manifestants tabassés à mort par la police...
Les débats sur l’armement de la police municipale qu’entrainent les initiatives de ce type, de plus en plus répandues à travers la France, ont permis de mettre à jour d’autres arguments tout aussi fallacieux. Ainsi, le port d’une arme serait le signe d’une professionnalisation du métier, comme l’affirme le syndicat des fonctionnaires de police CFDT-interco. Une évolution qui aurait pu bien mieux se traduire par la mise en place d’une formation qui dépasse les six mois...
Un autre argument consiste à dire que l’armement des policiers municipaux serait le symbole de leur autorité, comme cela a pu être invoqué par un élu de la ville de Chenôve lors des débats sur l’initiative locale finalement rejetée de fournir des armes « non-létales » aux fonctionnaires locaux. Il est toujours triste de laisser s’insinuer dans le débat public l’idée que l’autorité puisse naitre de la force, ici qui plus est armée...
Pourquoi alors ?
Pour nous, il est clair que le seul intérêt de cette initiative est d’assoir toujours un peu plus les rapports sociaux de dominations qui traversent nos vies. Ainsi, comme nous le disions au début de cet article, cette proposition de la municipalité rémoise va de pair avec la mise en place d’un plan de sécurité qui vise notamment à l’installation de caméras de vidéo-surveillance dans les zones commerciales. Une collusion entre capitalisme et développement du maintien de l’ordre qui n’en finit plus de s’étendre, jusqu’à parfois atteindre des sommets de ridicule comme cela avait était le cas, par exemple, lors de la découverte par la presse que le groupe Vinci, soi-disant plombé par le mouvement des Zadistes à Notre-Dame-Des-Landes, pouvait dans le même temps, accroitre les bénéfices de sa filiale Nobelsport dont l’une des activités florissantes est la vente des Flash-Ball au service de police...
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