Qu’est-ce que le Kurdistan ? Le Kurdistan est un territoire étendu sur quatre pays (la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran) mais menacé de toutes parts ; opprimé par Erdogan en Turquie, il résiste à la dictature de Bachar El-Assad en Syrie tout en luttant contre l’Etat islamique. C’est pour cette cause que, sous le pseudonyme d’André Hébert, l’auteur de Jusqu’à Raqqa relate son témoignage de la guerre au Rojava (nom du Kurdistan syrien) pour la libération des Kurdes.
Pendant 19 mois, André Hébert lutte, d’abord sur le front de Suluk (sur les rives de l’Euphrate), puis à la prise d’ Hol, d’Al Shedade et enfin lors de l’offensive de Raqqa, fief du califat djihadiste. Dans un style clair et pudique, l’auteur nous confie ses frustrations face à cette guerre, si différente de la vision fantasmée et préconçue que l’on s’en fait dans les films. Il évoque un quotidien plein d’ennui, d’attentes et de déceptions.
Ce témoignage rend compte aussi de la survie de l’internationalisme, qui était actif durant la guerre civile espagnole - en témoigne l’Hommage à la Catalogne de Georges Orwell - : les milices kurdes se sont vues augmenter en nombre d’étrangers américains, anglais, français, italiens, espagnols, même chinois, libanais, etc....la liste est longue !
Le récit se clôt par la prise de Raqqa, particulièrement déroutante ; nous, lecteurs, sommes conscients du péril encouru par l’YPG (Unité de Défense du Peuple constitué de Kurdes et d’internationaux) qui mène une guérilla violente à la surface de la ville tandis que dans les sous-sols aménagés par Daesh, irrigués de tunnels assez larges, circulent des voitures-suicides et y explosent des bombes, sous-sols que l’auteur définit de fourmilière.
C’est l’humanisme surtout de l’ YPG qui se distingue dans cette atmosphère de barbarie ; en effet, l’Unité de Défense du Peuple prend garde à ne pas tuer de civils malgré les rapports mensongers et honteux d’Amnesty International à ce propos et va jusqu’à épargner les prisonniers ennemis de la peine capitale en les laissant aux mains de la justice. Et ne l’oublions pas, c’est dans cette capitale islamiste-même que furent fomentés les attentats de Paris en l’an 2015. Sa libération fut une grande victoire des Kurdes.
Pour finir, je dirais que ce témoignage est un hymne au Kurdistan et un hommage à toutes les femmes et à tous les hommes morts pour leur amour de la liberté et de la justice. Le Kurdistan est dépeint dans toute sa volonté de démocratie et d’émancipation de la femme ; à deux reprises déjà, l’auteur nous fait remarquer que les soldats femmes kurdes non voilées fascinaient les femmes tout juste libérées de l’emprise de Daesh dans les villages retirés, à tel point qu’elles se débarrassaient immédiatement de leur niqab et se promenaient à toute heure dehors, soulagées enfin. Quant aux femmes et hommes qui se sont sacrifié(e)s pour la libération des Kurdes, je me contenterai de citer l’auteur "Votre sacrifice ne sera pas oublié." (p.24, Jusqu’à Raqqa "Avec les Kurdes contre Daesh" Collection "Mémoires de Guerre", Ed. Les Belles Lettres, Paris, 2019)
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