Dans la nuit du 12 janvier 1989, un groupe de jeunes se présente dans la boulangerie de la rue Lesage. Très vite, le ton monte entre les jeunes, qui auraient refusé de payer quelques croissants, et le boulanger. L’un des jeunes s’en prend au commerçant et le jette au sol. Le fils du boulanger débarque alors dans la boutique armée d’un fusil à pompe et arrive à repousser les jeunes qui se dirigent vers la sortie. C’est le moment que choisit Marie-José Garnier, la femme du boulanger, réveillée par le bruit pour faire irruption dans la boulangerie, elle équipée du 22 long rifle qu’elle garde précieusement sous son lit. Soi-disant prise de panique à la vue de son compagnon étendu au sol, elle tire et touche Ali Rafa, qui se trouvait déjà sur le pas de la porte. Il décédera sur le trottoir quelques instants avant l’arrivée de la police, alertée seulement après le coup de feu.
D’abord placée en détention préventive, puis libérée après une manifestation de soutien des commerçants rémois, Marie-José Garnier attendra trois ans et demi son procès. Une chance que n’auront pas les camarades d’Ali qui eux seront condamnés pour le vol des croissants.
Lors de ses premières déclarations à la police, Marie-José Garnier déclarera "avoir tiré dans un troupeau de maghrébin". De même, il sera établi que Jacky Toillon, le compagnon, mais aussi oncle, de Marie-José avait déjà, à plusieurs reprises, refusé de servir des clients maghrébins, clients qu’il accueillait parfois un pistolet à la ceinture.
Toutefois, ni l’avocat général, ni ceux des parties civiles ne retiendront le racisme comme l’une des motivations de l’acte, se bornant à parler de peur et de climat d’insécurité. Un discours qui déjà à l’époque n’avait pas grand-chose d’original, et qui a depuis était rabâché à outrance. Tout le procès portera, bien au contraire, sur la "lourde responsabilité" qu’auraient les amis d’Ali Rafa d’avoir déclenché une bagarre qui a conduit à la mort de leur pote. Une hypocrisie qui ira jusqu’à présenter Marie-Jose Garnier comme "le cas magnifique d’une personne qui se dévoue, car elle aurait pu rester au lit."
Malgré la demande de l’avocat général aux jurés de prêter attention à ce qu’on ne puisse pas dire que la vie d’un homme a moins de prix qu’un croissant et la demande de quatre ans de prison avec sursis pour la tueuse, Marie-José Garnier sera tout simplement acquittée.
Peu étonnant donc, qu’à l’annonce du verdict des "Justice raciste !" soit criés dans le tribunal, très vite évacués par les CRS, présents en nombre pendant l’intégralité du procès. Un rassemblement se met alors en place devant le tribunal, mais là encore, les CRS chargeront avant qu’il ne se passe quoi que ce soit.
Quelques nuits d’émeutes au quartier des Épinettes, réprimées par les mêmes CRS, et une manifestation parisienne, qui rassemblera plus de deux mille personnes à l’appel de SOS racisme, plus tard, le meurtre d’Ali Rafa tombera dans l’oubli.
Tout comme les centaines d’agressions racistes de l’époque, minorée au nom de la construction d’une France Black-Blanc-Beur, dont le vernis ne tiendra que le temps qu’on se rende compte qu’on entérinait là, le fait que la vie d’un Arabe vaut en France moins que le prix d’un croissant.
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