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La France a fini sa sale besogne en Afghanistan

Après 13 ans de domination coloniale, de massacre de civils et d’asservissement du peuple afghan, la France se retire.

Depuis fin 2001, à la suite des attentats du 11 septembre, la France participait à deux opérations distinctes, une sous commandement de l’OTAN, l’autre sous commandement étasunien.
Le mandat de base prévoyait « d’aider l’Autorité intérimaire afghane à maintenir la sécurité à Kaboul et dans ses environs, de telle sorte que l’Autorité intérimaire afghane et le personnel des Nations unies puissent travailler dans un environnement sûr », il a ensuite été élargi à toute l’Afghanistan en 2003.

Les forces en présence

L’armée de terre française participe à l’opération Pamir, dans un premier temps à Kaboul puis ensuite dans l’est du pays. Elle comprenait 1 600 soldats, soutenus par des hélicoptères d’Airbus.
Lors de l’élargissement de la mission des occidentaux à toute l’Afghanistan, le pays est divisé en plusieurs parties, la France s’occupe de la Kapisa, région peuplée de 400 000 habitants à l’est du pays et à majorité Pachtoune.
Dès les premiers mois de son arrivée, la France tue 150 insurgés grâce à ses 800 soldats, son bataillon Commandement et Soutien, ses engins blindés construits par les groupes Renault et Nexter et 7 systèmes de drones SAGEM et Canadair.
A partir de 2009, le contingent français est de plus en plus constitué de membres des opérations spéciales, avec parachutistes. Le rôle de l’armée française se déplace vers le renseignement, la formation des afghans et le soutien logistique.

L’armée de l’air dispose de plus de 300 soldats. En plus des hélicoptères du groupe EADS, sont également présents les Rafales et les Mirages du groupe Dassault. Les bases aériennes françaises se trouvent aux Tadjikistan et au Kirghizistan, élargissant un peu plus la zone d’occupation, de plus le survol du Pakistan n’est pas rare. En 2012, lors de son retrait, l’armée de l’air avait réalisé 9 000 sorties aériennes et a surveillé 30 000 points d’intérêt.

Rien qu’en 2008, les forces françaises ont consommé 400 000 cartouches de petit calibre, 6 000 obus de 20 mm et un millier d’obus de mortier de 120 mm, fournis pour la plupart par le groupe Thalès, et largué environ 160 bombes par avion.

Le coût de cette guerre est d’à peu près 500 millions d’euro par an, avec une augmentation systématique à chaque année. Au total, ce sont plus de 20 000 civils qui ont été tués (aucun décompte officiel n’existe), auxquels il faut ajouter les combattants morts des deux côtés.

Cette guerre a également été l’occasion d’exporter le "savoir-faire français". 150 gendarmes ont donc assuré la formation de la police afghane.

Mensonge d’Etat pour justifier l’injustifiable

L’argument principal pour lancer cette guerre était évidement la sempiternelle "instauration de la démocratie", plus de dix ans après, existe-t-il une personne sur terre pour y croire ?

Les dirigeants mis en place par les occidentaux sont pour la plupart d’anciens moudjahidines ayant combattu aux côtés des États-Unis pour chasser l’Armée rouge du pays. Ces hommes sont hais par la population suite à leur comportement lors de la guerre civile qui chassa le régime communiste, ce qui explique en grande partie le soutien dont ont bénéficié les Talibans lors de leur prise du pouvoir.

Pour ce qui est de l’argument anti-terroriste, c’est le même mensonge éhonté. Rien de tel que de massacrer une population, en isoler un ou plusieurs groupes et de s’accaparer les ressources d’un pays pour créer un terreau favorable aux actes individuels désespérés et à la création de milices privées.

Comme toujours, les raisons du conflit ne sortent pas de la bouche des bellicistes qui ne cherchent même plus à être crédibles.

Les véritables raisons de cette guerre

En période de crise de sur-accumulation, il est vital de trouver de nouvelles ressources afin de continuer à engendrer des profits. L’argent dépensé par la France est un investissement sur l’avenir pour les capitalistes, pour le peuple ce n’est rien d’autre qu’un gâchis.
D’abord, l’Afghanistan se trouve à un carrefour intéressant en ce qui concerne la transition des énergies (notamment gaz et pétrole). Le contrôle de cette région apparaît donc comme un enjeu majeur. Mais l’Afghanistan dispose elle aussi de ressources, notamment minières (fer, cuivre, cobalt, or ou encore lithium), estimées à 1 milliard de dollars par l’US Geological Survey. Cependant, les dégâts de la guerre et la parcellisation des forces propriétaires rendent cette exploitation difficilement rentable pour les occidentaux. Il semble que pour l’heure, ils aient cassé leur jouet.

Cette guerre se comprend aussi d’un point de vue stratégique. Nous sommes au lendemain du 11 septembre et lorsque Bush et ses alliés, dont les socialistes français au pouvoir, attaquent l’Afghanistan, ils ont autre chose en tête : la militarisation complète du Moyen-Orient. Si tout se passe bien, l’Afghanistan pourrait servir de base logistique à la conquête notamment de l’Irak.
Une perturbation de cette région représente aussi un enjeu pour le principal allié occidental présent : Israël. Le pays, alors dirigé par Ariel Sharon, a tout intérêt à ce que les voisins arabes, afghans et perses ne prospèrent pas et continuent leurs rancœurs mutuelles.

L’Afghanistan sert de centre d’entrainement à grande échelle pour le contrôle et la surveillance des populations. Dernièrement, les méthodes que les GI utilisent en Irak ont été appliquées à Ferguson pour contrôler la révolte après le meurtre d’un jeune noir par un policier blanc. La généralisation des drones dans les pays occidentaux résultent directement des tests effectués au Moyen-Orient.

Tués à l’intérieur, chassés à l’extérieur

La population afghane est bien sûr la première à souffrir de cette guerre. Les conséquences à moyen et long terme sont difficilement chiffrables mais facilement imaginables. Les conséquences à court termes sont la mort, les blessures, l’appauvrissement et l’exil de milliers d’afghans. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime à trois millions le nombre d’exilés afghans à travers le monde.

Une fois l’Afghanistan quittée, un autre enfer s’offre à eux, celui d’être migrants en Europe. La France les chasse systématiquement. Passage obligé pour un voyage en Angleterre, l’hexagone est pour nombre d’afghans synonyme de fin du voyage, et souvent de retour au pays. La fermeture de Sangate par Eric Besson est l’exemple le plus scandaleux de la violence avec laquelle l’État traite les réfugiés, seul 5 % de migrants afghans décident de rester en France après y être entrés.
Frédéric Lefebvre, député UMP, avait estimé en 2009 qu’ils feraient mieux de faire la guerre dans leur pays plutôt que venir chez nous.

Le renvoi en Afghanistan est négocié en accord avec la Croix-Rouge qui gère les expulsés à leur retour au pays. Cette collaboration des humanitaires ne constitue pas une exception mais bien un mode d’action structurel de ces organisations.
Tués chez eux, ils sont chassés de France et renvoyé dans un pays qu’elle bombarde...

Les médias comme arme de guerre

Dans cette guerre, les médias ont encore une fois servi de propagande. Dociles et malléables à souhait, reprenant aux mots près la sémantiques des différents ministères de la défense des pays présents en Afghanistan, les journalistes ont joué leur rôle de relais de la parole dominante à la perfection.

Présentant d’entrée ce conflit comme "une guerre contre le terrorisme", ils ne laissèrent que peu ou proue de place à une critique de celui-ci. Quiconque s’opposant à cette guerre serait donc susceptible de soutenir le terrorisme...
Ils dépeignent une bataille simpliste, entre bien et mal, occidentaux et afghans, nous et eux en somme.
Il ne faut pas non plus oublier, encore une fois, que nous sommes juste après les attentats du World Trade Center. Les images des tours repassent donc en boucle au moment de l’envoi des troupes, le choc psychologique ayant suivi laisse place à l’émotion qui étouffe toute réflexion saine.

Une fois sur place, les téléspectateurs et lecteurs des médias retrouveront les fameuses "frappes chirurgicales" qui avaient fait leur apparition lors des précédentes guerres du golfes. A côté, le terme de bombardements de population sonne comme une agression à nos oreilles, il est pourtant bien plus approprié. En face de ces frappes, ce sont des "attentats" qui touchent les forces d’occupation. Les victimes ne sont pas non plus les mêmes. Les soldats morts en héros pour la patrie, ayant droit à des obsèques nationales et en direct sur les chaines d’infos, deviennent des "civils" dans l’autre camp.

Le 11 septembre continue d’intervenir comme cause, sans que personne ne comprenne vraiment ce que vient finalement faire l’Afghanistan au milieu de tout ça. Et très vite, un second conflit va intervenir dans la région. Mais cette fois sans la France, le comportement des médias français va s’en retrouver changé.
Petit à petit, tout le monde comprend l’enfumage qui se cache derrière l’attaque en Irak. Les médias français, suivant leurs dirigeants, s’opposent à ce conflit.

La première tactique est de tenter de séparer les deux conflits. Là où la France est présente, il s’agit d’un conflit pour le bien, là où elle se refuse de combattre, il ne s’agit que de raisons économiques. Cependant, devant les soldats français qui meurent un par un (89 trouveront la mort au total en Afghanistan), ce que l’on appelle "opinion publique" va commencer à s’interroger sur l’utilité de ce conflit.
La seconde tactique est simple. On n’en parle plus. Il ne revient que ponctuellement, lors de morts français ou uniquement quand des "attentats" ont lieu.
Ceci dans le but de le justifier sans pour autant laisser le temps de l’analyser.

L’Afghanistan à l’heure du retrait des troupes coloniales

La situation sur place s’est empirée, l’évidence de ce constat vaut pour tous.

S’il n’existe aucun chiffre réel couvrant toute la période d’occupation de l’Afghanistan, la Manua (affiliée à l’ONU) fait état de pas moins de 17 000 civils tués depuis 2009. Des rapports qui révèlent que 2014, l’année du départ, a été l’année la plus meurtrière depuis 2009 avec 3 188 morts et 6 429 blessés.

Le nombre de suicide des femmes, qui sont utilisés comme symbole de l’oppression talibane, a augmenté suite à leur remplacement au pouvoir par des vassaux des États-Unis. Le nombre des violences faites aux femmes a augmenté de 30 % en 2012 selon l’ONU alors même que le chiffre de civils morts baissait. D’après Oxgam, 87 % des femmes ont subi des violences, qu’elles soient sexuelles, psychologiques ou physiques.

De plus, l’instabilité du pays, après 13 ans de situation de guerre, se répercute aussi au niveau économique. L’agriculture, par exemple, a été fortement remodelée, le pays redevenant le premier producteur mondial de pavot. Une situation qui a favorisé le développement des narcotrafiquants et de fait leur pression violente sur les populations locales.

450 000 personnes sont déplacées à l’intérieur même de l’Afghanistan, ce qui contribue à l’accroissement de la pauvreté au moment où la France s’en va. Une situation illustrée par les propos d’un afghan, retranscrits par Zalma Ahad, un photographe de guerre : "avant, nous étions pauvres ; aujourd’hui, nous le sommes encore, mais en plus, on nous bombarde".


P.-S.

La France est encore présente au Mali, en Centrafrique, au Tchad, en Côte d’Ivoire, en Lybie, en Guinée, au Gabon, à Djibouti, en Jordanie, dans les océans indiens, à Haïti, au Kosovo et récemment en Irak.


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