Histoire d’enfoncer le clou (ou le poignard...), l’instance présidée par la belle-mère d’Ali a, en même temps qu’elle invalidait les recours déposés par l’opposition au sujet de résultats complètement fantasques de bureaux de vote du fief des Bongo, donné raison au dictateur-candidat qui avait également déposé des recours contre son challenger Jean Ping, derrière lequel l’opposition s’était rassemblée (cf. Billets n°260, septembre 2016). Le trucage des chiffres n’en est que plus grossier, mais cela permet d’annoncer une victoire un peu plus confortable que ce que les premiers bidouillages avaient donné. Ali Bongo a donc pu organiser rapidement son investiture, le 27 septembre. La diplomatie française, qui avait un temps appelé à un recomptage des voix, a aussitôt pris acte : l’ambassadeur de France était bien présent à cette investiture.
Interrogé sur Europe 1 (29/09) au sujet de la position française vis à vis d’Ali Bongo, le ministre Jean-Marc Ayrault a commenté sans rire : « Il y a la Cour constitutionnelle gabonaise qui s’est prononcée. Il y a eu des recours, c’est ce que nous avions recommandé. Il reste toujours un doute ; maintenant il faut une solution politique de réconciliation, et c’est ce que la France redit et répétera encore ». Et de répondre au journaliste qui lui demandait si Ali Bongo était un « interlocuteur légitime aujourd’hui » : « Il est investi. Il est installé. La France était représentée par son ambassadeur. Vous avez vu qu’il y a une certaine retenue après cette élection et en même temps, ce que nous voulons, ce n’est pas la déstabilisation du Gabon. Et pour ça il y a besoin que l’Union africaine, qui a commencé à le faire, joue son rôle pour encourager Bongo à chercher une politique de rassemblement parce que je pense que c’est l’intérêt du Gabon mais c’est aussi l’intérêt de toute l’Afrique ». Et de la France, on l’aura deviné. Ayrault ressort donc les vieilles recettes : le dogme de la stabilité (avec 49 ans cumulés au pouvoir, la famille Bongo est bonne élève...), et la main tendue vers l’opposition (qui a cette fois-ci refusé, au soulagement de la population gabonaise qui craignait une nouvelle trahison).
On vous a compris
Rapportant les propos d’une « source au ministère des Affaires étrangères », RFI écrivait la veille de cette déclaration : « Paris répète son rejet de toute violence et affiche cette certitude : " Notre position est assez largement comprise par les Gabonais" » (28/09). Tellement bien comprise, que les Gabonais interpellent les représentants politiques français, du Parti socialiste comme de l’opposition, dès qu’ils en trouvent l’occasion. Au-delà des manifestations qui se succèdent à Paris, où fleurissent les slogans tels que « François Hollande, le tribunal de l’histoire t’attend au Gabon », certains coups d’éclat font le buzz sur les réseaux sociaux et alimentent ainsi le mouvement de contestation.
Nicolas Sarkozy, qui était au pouvoir en 2009 lorsqu’Ali Bongo a réalisé son premier coup d’État électoral avec le soutien actif de la France, a ainsi vu les images d’un de ses meetings faire le tour des téléphones portables du Gabon : alors que des jeunes Gabonais criaient depuis la salle « Sarko, viens chercher Ali ! », le candidat en quête des voix frontistes a évité de répondre, en leur lançant avec dédain « Ici c’est la France, c’est pas le Gabon. Si vous voulez parler du Gabon, retournez-y ! ». La politique africaine n’est jamais un sujet électoralement porteur, à droite comme à gauche... Une semaine après, c’était au tour d’un meeting du Parti socialiste : le 26 septembre, la ministre de l’Education Najat Vallaud Belkacem, en service commandé pour défendre le bilan de son champion François Hollande, s’est faite interrompre aux cris de « Libérez le Gabon » et « Ali assassin ». La vidéo, rapidement postée sur Facebook, a été vue plus de 10 000 fois.
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