Après l’expulsion du 7 Juillet, dans l’émulsion collective de l’organisation du week-end de réoccupation, je sens la forte volonté de tout le monde de reprendre ce bois. L’enjeu est de taille puisque la précédente occupation a permis de stopper leurs travaux [1] pendant 3 semaines sans compter qu’elle fut pour beaucoup riche de découvertes, de rencontres et de joies diffuses.
La forêt occupée du 19 juin au 07 juillet a été le théâtre d’une évolution fulgurante de la lutte à Bure, dont un certain nombre de leçons peuvent être tirées. Comme la détermination et la combativité d’une frange de l’opposition réputée plus modérée ou la capacité à faire preuve de bienveillance et d’attention entre toutes. La joie partagée d’agir de façon conséquente, d’occuper et habiter la forêt pour la protéger, sont vécus comme autant de moyens à reconquérir des espaces de liberté [2]. On fait bien de parler alors de libération de la forêt et de toutes ses habitantes !
C’est pour empêcher que tout cela se reproduise et se répande que l’ANDRA (Agence Nationale de gestion des Déchets Radioactifs) démarre la construction d’un mur de plus de 2,50m de haut le long du bois, dans cette semaine qui précède le week-end de réoccupation. Cela témoigne clairement du fait que les ingénieurs du désastre ont compris qu’ils sont face à une opposition au long court et de plus en plus offensive. Tout au long de la semaine, les passages réguliers de la gendarmerie devant la maison et les contrôles routiers se font plus pressants.
Pendant qu’à Paris une trentaine de députés présents à l’Assemblée votent la loi sur la réversibilité, Ségolène Royal prend des selfies avec les joueurs de l’équipe de France [3]. Il est tout de même curieux de voir qu’une question à plusieurs milliards d’euros mettant en cause l’avenir de la vie sur cette région, impliquant tout le parc nucléaire français pour plusieurs millions d’années, concerne si peu l’assemblée. Un certain sens des priorités... Ainsi, toute médiatisation pro-nucléaire veut minimiser les réalités de l’opposition et détourner l’attention, parfois ouvertement [4].
De notre côté, les infos tours se multiplient partout en France et même au-delà. Mais là non plus, tout n’est pas si simple. Un fly servant de support de com depuis une semaine fait éclater un scandale dans le réseau militant local. Le visuel est celui d’un enfant portant sur le visage un masque à gaz, ceint d’un manteau de cuir et tenant un cocktail Molotov à la main. S’en suivent alors des heures d’échanges angoissés sur l’état d’esprit de la manif et sur l’impossibilité pour les associations de continuer à faire suivre cet appel*.
Plongées dans les préoccupations matérielles de la réoccupation, avec l’audience en référé au TGI de Bar-le-duc sur la légalité de l’expulsion du 7 juillet, on se serait bien passé de tels arguties. De plus, si le rendu de ce jugement administratif, la veille de la manifestation, ne changera pas notre programme, il pourrait en modifier les conditions.
Vendredi après-midi, nous apprenons la nouvelle peu surprenante de la légalité de l’expulsion. Nous continuons de faire ce que nous avons à faire. L’équipe medic et la legal team s’organisent, les banderoles sont peintes, des masques d’animaux magiques sont bénis avec amour, la cuisine se prépare, les réunions se succèdent, on rédige des communiqués nécessaires au rétablissement de la vérité dans l’actualité.
Le concert prévu vendredi soir par l’ONF (Office National des Forêts) est le premier pas vers la forêt. Les musiciens prennent place au pied du bosquet du Chaufour, juste au dessus du Bois Lejuc. Le concert terminé, trouvant l’endroit accueillant, c’est tout naturellement que les tentes s’installent. La musique a, pour la première fois du week-end, influencé le déroulement des événements, en changeant le lieu du rassemblement. C’est donc du Chaufour que la manif prendra son envol le lendemain midi !
Arrivées assez tôt, par un samedi matin ensoleillé, les manifestantes remplissent la maison. Ça se prépare, ça discute. On fait état de la situation aux dernières venues. On imagine la journée en buvant tranquillement son café, entre masques de hibou argentés, serum phy et plan de la forêt. La cantine s’active : « on mangera où on pourra, soit dans les champs, soit dans les bois. ». À côté, on charge la logistique pour notre installation dans le bois. Deux tracteurs sont attelés. Ils transportent du matos de construction, du matos de grimpe, la cantine. Chacune a bien conscience que, peut-être, nous n’allons pas pouvoir entrer dans le bois. Mais la question la plus prégnante n’est pas de savoir si oui ou non nous allons pouvoir y entrer, mais de penser comment nous allons le faire !
Quand enfin, vers midi, les centaines de personnes sont réunies au point de départ de la manifestation, les prises de parole se succèdent. On rappelle quels sont les enjeux de cette manifestation et quel état d’esprit est envisagé. On fait coucou aux flics qui nous observent de l’autre côté de la colline, au pied d’une antenne de l’ANDRA (le trait noir qui perse les nuages sur la photo) d’où flotte encore un drapeau anti-nucléaire. On distribue des petits bouts de papier avec le nom de l’avocate en évitant les airs de bonne chance qui précèdent l’affrontement. L’équipe médic rappelle sa présence et son fonctionnement de même pour la legal team et, pour finir, on chante toutes ensemble l’internationale en hindi (la classe, non ?).
El condor pasa !
Nous allons décoller avec une bonne heure et demi de retard, mais l’ambiance est sereine, même si nous commençons à nous impatienter. Enfin, le cortège de tête se forme (on ne perd pas les bonnes habitudes) et, tout au long de la marche, les instruments font vibrer l’air doux qui nous transporte, dans une atmosphère combative et joyeuse.
À peine avons-nous dépassé le bosquet du Chaufour que les GM se positionnent à l’orée du bois, nous barrant la route. Mais la musique continue !
Nous sommes alors dans un face-à-face statique de quelques minutes, juste le temps de prendre la pose pour quelques journalistes pressés. L’air n’est pas lourd, plutôt adouci par le son quasi prophétique d’une flûte de pan, quand soudain, El condor pasa !
La mélodie semble indiquer leur chemin aux premières pierres, les guidant jusqu’à leur point de chute. Et les airs sifflent avec eux. Les GM tentent d’arrêter la musique en répondant, sans aucun goût musical et sans rime, par une vulgaire sommation à nous disperser. Alors la douce mélodie s’accélère et c’est une pluie de projectiles qui déferle brusquement sur eux !
Désormais, les tambours lacrymogènes entrent dans la danse, sans parvenir à dissuader la foule animale décidée à retrouver son logis. Constatant la minceur du dance floor, la jugeant trop exiguë pour y inclure tout le monde, la flûte procède d’un elfique pas chassé sur sa gauche en direction du nord, ouvrant ce qu’il sera convenu d’appeler, le bal du champs. C’est ainsi que naturellement, de sauts de biches en bonds de sauterelles, serpentant entre les pierres d’un sol argileux et les épis de blé cherchant le ciel, nous changeons de piste.
Élargi à la vaste étendue dorée qui nous prête son flan, le cortège se sépare en une multitude de points offensifs, disséminés partout dans le champs, forçant les GM à longer la forêt et à se séparer aussi en petits groupes. D’autres, qui restent sur le chemin, obligent une partie du corps des GM à garder sa position. Ici aussi la musique continue, c’est un autre air, un air qui s’ajoute, qui fait siffler les oreilles des gardiens de la guerre sous leurs casques bleu marine.
(sur la photo, un bouquet de GM)
Une grande partie du cortège s’est maintenant enfoncée dans le champ de telle sorte que nous perdons de vue l’autre partie, restée sur le chemin. Les gaz lacrymogènes tombent comme le crachin avant l’orage, ils sont peu gênants. Il n’y a pas grand-chose à faire pour les GM qui ne peuvent se risquer à une excursion dans le champ, leur équipement est trop lourd, ils pourraient difficilement marcher en rang serré, ni être en bonne position pour se protéger. Par ailleurs, nous avons le vent à notre avantage. Les GM mettrons du temps avant de comprendre que pour nous atteindre, ils doivent lancer les lacrymos derrière nous… Mais quand bien même, il n’est pas compliqué d’opérer un léger déplacement sur un côté pour n’être plus incommodé outre mesure.
De là, le mouvement se fait plus collectif et progressif. La banderole renforcée avance de biais et se rapproche petit à petit de l’entrée de la forêt. Un peu plus haut, vers le nord, des GM sont venus nous saluer, lançant aussi quelques grenades. Mais ce n’est pas suffisant pour freiner une cinquantaine de personnes éloignées, éparpillées, bien protégées, et la moindre visière de GM qui dépasse de la forêt, au moindre pas en avant, reçoit les honneurs qui lui sont du. Ils se déplacent à l’intérieur et à l’extérieur des bois, le long de la voie romaine. De l’intérieur, leur lance grenades ne sont pas très précis, les lacrymo se prennent dans les arbres ; de l’extérieur, difficile de tenter une sortie au risque de se faire arroser de projectiles. À mesure que nous avançons ainsi, la situation se précise, serrant de plus en plus les GM en étau entre nous et les arbres. Pendant ce temps, d’autres amies lézardent à l’abri de leurs boucliers. Bientôt, à quelques mètres de nous, la voie est libre, les GM ne peuvent plus nous empêcher de rentrer, nous trouvons une brèche facilement praticable et nous nous y engouffrons.
face à face
Nous sommes alors une quarantaine en face à face avec les GM, directement sur la voix romaine. Derrière nous, au nord, il n’y a personne, ils se sont complètement repliés. Il n’y a alors, à 100m de nous, qu’un petit corps de GM, qui reste en position. On peut aussi voir sur cette photo un homme seul, devant le cordon de boucliers, tenant une arme.
Pendant ce temps, nous soufflons une minute, nous allons observer les horizons pour jauger la situation. C’est le moment, il faut appeler les autres à nous rejoindre ! Il y a un espace suffisamment ouvert dans le renfoncement de la forêt pour s’installer.
Le cortège est prévenu, les tracteurs longent déjà le champ de l’autre côté de la colline pour nous apporter la logistique.
Nous constatons alors que les GM se sont repliés, les sourires sont sur toutes les lèvres, ils transpercent les masques, les yeux brillent !
"Nous avons gagné une bataille !"
Sans attendre, nous formons des barricades avec ce que nous trouvons de troncs morts, de feuillages et de grosses pierres. Nous positionnons méthodiquement derrière chacune d’elles des tas de cailloux prêts à l’emploi. Rapidement rejoints par l’ensemble des manifestantes, le cœur est à l’ouvrage, chacune va chercher le nécessaire de barricadage, on fait des chaines humaine pour s’installer, la musique nous entraîne toujours. Chacune œuvre pour ce coin de bois reconquis. Il n’est alors pas question de savoir qui est masquée ou qui ne l’est pas, mais quelle est la façon la plus efficace de positionner les branches et les cailloux, à quels arbres monter, quel tronc mort pour quel usage etc. Maintenant que nous sommes toutes dans les bois, celleux dont on nous avait dit la crainte de voir les manifestantes cagoulées, comme par exemple des familles, participent avec tout le monde à l’élaboration du premier chantier collectif, heureux comme les rosiers libérés d’un jardin anglais.
Plus personne à ce moment, ne songe à remettre en question la pertinence d’un mode d’action qui nous a permis à toutes de rentrer dans la forêt. On entend même une personne de l’ONF féliciter le succès de l’action, en prenant soin de revenir sur ses propos de la veille quant à l’usage des cailloux, avec un sourire évidemment complice et satisfait.
Des barricades sont donc érigées sur la voie romaine au nord et au sud pendant que la cantine distribue les repas. Des équipes tournent, se relaient pour permettre une présence permanente aux barricades.
Puis très vite, l’espace qui était envisagé pour l’installation du camp est investi. On commence à construire diverses structures qui ne disent pas encore leurs noms.
On grimpe aux arbres, on s’affaire gaiement.
À la barricade nord, tout est tranquille, mais au sud, des copines ayant emprunté le chemin de la voie romaine libérée nous font le premier récit de l’entrée en scène des vigiles de l’ANDRA**.
Arrivant du parcours de la manif et portant un drapeau PEACE, accompagnées de journalistes de Mediapart et de France 3 Lorraine, ielles nous racontent la charge qu’ielles viennent de subir. Armés de pioches et portant des boucliers en plexiglas, plusieurs hommes ont foncé sur elleux. Voyant cela, ielles décident de s’asseoir au sol et d’opposer une résistance passive. Frappées dans les côtes avec le plat de la pioche et rouées de coup une fois tout à fait au sol, les GM, avec leur commandant Dubois, volent à leur secours, enjoignant les vigiles à faire marche arrière et suggérant aux victimes de porter plainte. Devant les caméras, ce semblant de compassion a bon dos. Les désaccords entre GM et milices se feront moins sentir, deux petites heures plus tard lors de la bataille dans la forêt.
la bataille dans la forêt
Le message passe et la cantine finit à peine de servir ses dernières assiettes, quand nous entendons des feux d’artifices du côté de la plate-forme anciennement occupée et toujours tenue par les GM.
Mais rapidement, le mot tourne qu’il y a besoin de renfort. Plusieurs dizaines de personnes arrivent au fur et à mesure près des barricades sud. Un groupe de GM tient sa position 50 mètres plus bas et l’on entend, provenant de l’obscurité des minces allées de la forêt, les cris d’une bataille acharnée. Les lignes bougent sans cesse. Deux petites allées parallèles sont tenues par des GM tandis que sur leur flan droit, c’est-à-dire à notre gauche, circulent de façon beaucoup plus libre les miliciens de l’ANDRA. Ils répètent des assaut courts et rapides, ne s’enfonçant jamais trop imprudemment, mais de façon suffisante pour que nous ayons à reculer. Ces mouvements sont coordonnés avec ceux des miliciens qui tentent de nous prendre à revers. Nos replis successifs sont, eux, brusques et désordonnés. Nous nous marchons dessus à chaque offensive qu’ils portent.
Si la fonction des GM n’est pas d’aller au corps à corps, c’est en revanche le cas de la milice privée dont les agissements sont beaucoup moins contraints à des positions de groupes resserrés. Ils passent entre les arbres, restent proches les uns des autres mais sont assez libres de leurs mouvements. Ils sont alors pas moins d’une dizaine. Nous en compterons 22 au total, répartis à ce moment là dans le bois, plus à l’est, en embuscade [5].
Après avoir combattu plus d’une heure et demi à ce rythme, nous nous replions. Il sera bientôt 19h, nous sommes toutes fatiguées mais nous n’avons pas dit notre dernier mot. Nous sommes derrière la grande barricade, les GM n’ont pas quitté leur position et nous nous rassemblons toutes ensemble pour décider de la suite à donner à cette journée. Nous échangeons nos premières informations pour faire état de la situation : nous venons de perdre deux banderoles renforcées, 4 copains sont en garde à vue et ont probablement passé un sale quart d’heure, quelques uns d’entre nous sont blessés et nous déplorons le fait que les affrontements aient commencé sans que nous n’ayons toutes eu le temps de nous y préparer. La plupart d’entre nous semble avoir encore l’énergie et la volonté de se battre. Mais devant ces constats peu glorieux, il parait essentiel de penser collectivement la tactique pour de prochains affrontements. Nous allons avoir peu de temps, beaucoup d’entre nous partiront lundi, il semble difficile de tenir la forêt plus longtemps sans les effectifs. L’intérêt d’avoir regagné le bois est donc de proposer des actions offensives sur la plate-forme, de façon à atteindre la partie du mur qui a été construite et de la faire tomber. Cette perspective ne se pense pas de façon déconnectée des personnes qui construisent le nouvel espace, plus loin au nord. Vaut-il mieux viabiliser ce lieu pour y passer la nuit, en assurer la défense et attaquer à l’aube ? Quoi qu’il en soit, il faut préparer de nouvelles banderoles. Penser également au repas du soir et à toutes les questions logistiques qu’il va falloir gérer puisque nous allons dormir dans le bois. Plusieurs propositions sont faites, allant du partisan de la non-réflexion, lançant un virile « on fonce dans le tas, tout droit », à celle d’organiser les premières nécessités (manger, se défendre, dormir) d’un côté pendant que de l’autre, un groupe plus restreint rassemblant quelques personnes des différents groupes affinitaires, discute ensemble de la meilleure chose à faire.
Finalement, Ô surprise, il aura fallu deux heures de discussion à une petite centaine, pour se rendre compte que la nuit tombe dans deux heures, que nous n’avons pas de banderole renforcée et que nous allons devoir préparer la soirée et la nuit. La réunion prend fin, et on commence enfin à s’organiser concretement !
Une demie heure avant la tombée de la nuit, contre toute attente, les GM lancent une offensive contre la barricade sud. Le seul but étant visiblement de créer une tension, de laisser comprendre que nous n’allons pas passer la nuit tranquille sur nos deux oreilles. C’est le coup de quelques grenades, de courses poursuites à grand renfort de cris agressifs, puis ils reprennent leur position.
Ce n’est qu’à la nuit tombée qu’ils se font de nouveau entendre, notamment depuis l’hélicoptère qui ne s’était plus montré depuis le début de journée. Il nous survole de la forêt à la maison jusqu’à 23h passées.
Le lendemain, leur stratégie est la même. Tout en restant offensifs, ils ne s’aventurent pas trop, certainement parce qu’ils n’ont pas les effectifs suffisants. Encore une fois, leur mission consiste à protéger la plate-forme qui doit accueillir les engins de chantier pour la construction du mur, préalable nécessaire à la poursuite de leur objectif, creuser les galeries. Ils préfèrent donc faire beaucoup de bruit, sembler très agressifs, avancer un peu plus loin à chaque fois, détruire les barricades et toujours revenir à leur positions quand nous sommes suffisamment désorganisés. C’est effectivement le cas quand la plupart des ZIRAdieuses quittent les bois, fatiguées par les assauts répétés. En fin d’après-midi, après qu’ils aient repris leur position, nous reprenons l’assemblée générale qu’ils ont intérompu pour décider, à ce stade, ce qu’il reste de pertinent à faire d’ici demain. L’occupation du bois n’étant, comme prévu, plus une perspective, nous misons alors sur le blocage et le sabotage des entreprises qui sous-traitent pour l’ANDRA, de profiter du contingent encore présent le lendemain matin pour porter quelques coups judicieux.
Le lundi matin, plusieurs groupes se sont divisés sur différentes actions et d’autres encore restent à l’orée du bois pour observer ce qu’il s’y passe. On tient des vigies, dont certaines reçoivent la visite plus ou moins courtoise des vigiles de l’ANDRA ; on note les positions, les effectifs, les heures de passage et d’arrivée des engins de chantier, etc. Un dernier repas collectif se tient à 14h au pied du bosquet du Chaufour, où avait eu lieu le concert le vendredi soir.
Dans la journée, une grosse partie des gens aura reprit la route en se donnant rdv au mois d’aout !
Les récits de plusieurs actions sont à lire sur le site vmc.camp .
* Question de composition…
Dans un coin comme la Meuse, où le nombre d’habitantes est à peu près aussi réduit que le projet CIGEO est gigantesque, la question de la composition entre les différentes franges de la lutte est sinon indispensable, du moins incontournable. Surtout dans une région lourdement désertée par les luttes sociales, et dont l’histoire est marquée par une éternelle défiguration/reconstruction du territoire. C’est aussi dans ce contexte que se créée la situation médiatique particulière de Bure. Le but de l’ANDRA et de l’État est de faire le moins de bruit possible concernant le projet CIGEO, ce qui change beaucoup les conditions de cette lutte.
Plusieurs perspectives peuvent se dessiner lorsque s’élaborent parallèlement et conjointement des modèles d’organisation autonomes6 et d’autres dits citoyens ou citoyennistes7.
Elles sont ici motivées par des nécessités certainement plus sensibles qu’ailleurs, celles de faire nombre et d’agir sur plusieurs fronts en nourrissant des échanges humains, des moyens, des informations. Voilà qui contribue à établir des formes de solidarité et de confiance. C’est ce travail qui est effectué depuis plus d’un an à Bure et dans la région.
Et il aura suffit d’un inoffensif pique-nique en forêt, quelques grillages et leurs vigiles inconvenants, pour que des barricades soient érigées et la première occupation lancée. Il n’y aura pas eu besoin de mot d’ordre ou d’une imagerie guerrière pour investir la forêt. Alors, le rapport de force devient physiquement palpable, les échanges sont concrets, la solidarité se pratique. Pas tant besoin de palabres et de chamailleries. En trois semaines, tous les retours des copains et copines en témoignent, la lutte a fait un bond qualitatif exceptionnel grâce à ce moment d’audace. Qu’il s’agisse d’une découverte ou d’une pratique éprouvée, c’est la nécessité de l’instant qui fait foi dans le cœur de chacune, pourvu que l’on sache saisir les occasions lorsqu’elles se présentent.
De plus, quand un adversaire commun se révèle si orgueilleux et illégitime, quand il ne s’encombre même plus des apparats de la légalité, il pousse à sortir des cadres habituels. Il semble alors que des objectifs formulés et discutés ne conduisent pas nécessairement à imaginer concrètement quels moyens permettraient d’atteindre ces objectifs. Pour se dépasser, accepter des pratiques nouvelles, transcender les corps et les esprits, face aux suppositions de ce qui nous attend et aux fantasmes sur ce qui nous fait face, la première contrainte est souvent la peur et le seul moyen de la dépasser est d’avoir le moral nécessaire pour l’affronter.
Après l’expulsion, récupérer la forêt en lançant un appel public était une autre affaire. Il fallait profiter de la dynamique, ne pas se laisser abattre, rester offensives et maintenir la pression.
Mais, à quelques jours du week-end d’action, la machine à dissociation, le sempiternel débat sur la question violence/non-violence, est relancée. Comme s’il devait y avoir absolument ou absolument pas de violence lors d’une manifestation. Le flyer qui fut à l’origine de tout ce foin ne méritait pas la panique qu’il a dû essuyer. Sans nous étaler sur sa pertinence ou sa non pertinence, ni sur son caractère de folklore émeutier, il n’en demeure pas moins qu’il portait en lui une certaine détermination et les marques d’une continuité logique de la lutte à son endroit. On aurait aussi pu garder notre énergie à faire les choses plutôt que de se la laisser dévorer par ces incessants échanges. Aurait-il fallu pour cela penser une affiche plus inclusive ? Très certainement. Faire différentes affiches ? Pourquoi pas ?
Quoi qu’il en soit, les réactions phobiques témoignaient d’abord d’un nouveau manque de confiance, et ce malgré trois semaines d’occupation partagées. La peur d’être embarquées dans un mouvement incontrôlé a fait apparaître des relents paternalistes serties de conditions, de menaces de rupture et ce dans une agitation toute autoritaire. Autre que la peur, c’est aussi une certaine disposition à répondre aux seules réactions négatives qu’a pu suscité ce flyer. Les injonctions à réviser cette proposition indiquaient donc d’abord la volonté de ne pas déplaire. Que cette ligne politique ne soit pas partagée par tout le monde, ou qu’on ne la trouve pas judicieuse à ce moment, c’est une chose, mais qu’on lui interdise le droit de cité, ça devient problématique. Il n’y a jamais d’injonction à sortir des rangs, tandis que l’inverse se vérifie sans cesse. On n’a jamais vu une personne forcer une autre à lancer une pierre. C’est oublier bien vite le fait que même quand personne n’en jette, on peut se faire gazer et frapper.
Malgré toutes les discussions en petits ou grands groupes pour rassurer sur ces intentions, répétant qu’il n’était pas question d’envoyer qui que ce soit au casse pipe, c’est toujours l’angoisse de l’affrontement qui dominait avec comme argument premier celui de donner une mauvais image…
Quoi qu’on en pense, le jour de la manifestation, sans les cailloux, pas de bois, et tout le monde était bien content d’y aller faire un tour !
C’est une fois revenues dedans que disparaissent à nouveau les clichés et les préjugés auxquels, d’ordinaire, on s’assigne mutuellement. C’est encore à cet instant que les pratiques des un-e-s ou des autres se fondent en autant de nécessités communes. Les forces se complémentent, et le rapport de force prend plus de consistance, se construisant à tous les niveaux. Mais quand le dimanche les charges des GM ont raison de la majeure partie des occupantes de la forêt, celleux qui fuient déchargent leur colère contre celleux qui choisissent de rester et de se défendre.
On pourrait parler de syndrome « équipe de france » : « on a gagné ! » « ils ont perdus ». Quand ça marche on est ensemble, quand ça ne marche plus, c’est de votre faute si les gens se font arrêter et taper et gazer etc.
Mais encore une fois, c’est dans le faire qu’on arrive a construire des rapports seins et constructifs, non dans les jugements et les considérations purement morales ou émotives.
Pour ce qui est des préparations, ce qui ressemblait à un mouvement spontané lors de notre percée dans le champ samedi 16, répondait en fait à une consigne qui tournait depuis la veille et qui consistait en effet à nous répandre dans la largeur. Nous avions l’avantage du vent, les blés constituaient de bonnes cachettes, le sol était rempli de pierres et les GM étaient peu nombreux. Après quoi, nous n’avions plus de plan.
Une fois dans la forêt, quelques aient été les intentions des premières offensives, le manque de coordination et de tactique aura eu raison de nous. Bien sûr, un seul week-end pour penser et organiser les choses toutes ensemble est trop court.
Néanmoins, lors de l’assemblée après les affrontements de l’après-midi, la volonté et le courage ne manquaient pas, mais on comprend mieux nos difficultés à obtenir des victoires au regard du manque d’efficacité de nos modes de prise de décision.
Il est nécessaire de créer les conditions propices à l’offensive, sans quoi une défense face à une contre offensive est à peine envisageable. La victoire de la bataille dans les champs en aura fait mousser les esprits, ne prenant pas en compte la nécessité de se réunir.
Ne serait-il pas plus pertinent de toujours commencer par déterminer nos modes de prise de décision, et ainsi se donner les meilleurs chances de prendre les meilleurs décisions. L’horizontalité nous fait aussi perdre de vue la nécessité de nous organiser de façon plus rigoureuse. Certes, lorsqu’une assemblée ne se connaît pas et n’a devant elle que le temps d’un week end, on a plus de difficulté à se connecter entre nous, à savoir comment procéder. Mais c’est aussi la raison pour laquelle il faut savoir être efficaces.
On peut avoir tendance à confondre rigueur et autorité. Certes, nous ne sommes pas des professionnelles, mais alors de deux choses l’une : soit nous assumons nos velléités, auquel cas nous nous organisons en conséquence, soit nous revoyons à la baisse nos ambitions pour agir de façon plus cohérentes avec les moyens que nous voulons bien nous donner.
** Les nouveaux copains des GM
Certains des "vigiles" de l’Andra nous viendraient de la légion étrangère... la plupart sont des habitants de la région. Leurs quelques coups d’éclats nous ont montré que les caméras ne les intimident nullement. Cela n’a rien a voir avec leur amateurisme, comme j’ai pu l’entendre dire. Il ne s’agit pas de penser que les GM prouvent leur professionnalisme en attendant le départ des caméras pour taper. Simplement, les vigiles de l’ANDRA ont les mains plus libres que celles d’hommes dépositaires de l’autorité public. Ils pourraient prendre une attaque de façon beaucoup plus personnelle, contrairement à des Gm qui sont plus un corps. Ceci est visible aussi dans la façon dont ils se déplacent. Leur équipement est plus léger, ils sont plus disposés a aller au corps à corps. Leur fonction n’est pas tant de défendre que d’attaquer. On peut donc sans complexe les nommer milices.
Ils ne remplissent pas une mission d’État, avec des conditions légales de maintien ou de rétablissement de l’ordre, empesé d’un tas de ronrons républicains, mais une mission privée encore plus simple : défendre une propriété determinée contre de l’argent. Bien sûr, l’argent peut être aussi une motivation suffisante pour des gendarmes mobiles dont le goût pour la violence n’est plus à démontrer, non plus que les exactions. Mais en défendant une propriété particulière, ils défendent leur emploi. Ils sont donc à la pointe des laquets du capital en défendant la propriété de l’Andra. Leur prestige est d’autant plus reconnu que l’Andra sous-traite localement et les employé-e-s de ces boites sont, pour la plupart, des habitant-e-s de la région. Ils sont d’autant plus fiers de défendre les valeurs du capital, qu’ils ne se contentent pas de remplir une mission, ils militent pour le capital. En allant titiller l’une des positions de vigies le lundi 18, ils nous traitaient de chômeurs et disaient, presque amicalement, "pourquoi vous ne cherchez pas plutôt du travail ?"
Et vous, pourquoi vous démissionnez pas ? Ça vous laisserai une chance de réfléchir à ce que vous faite !
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