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Briser le silence autour de la viticulture

Conséquence de l’industrie viticole sur l’environnement et sur les humains

Il y a environ une semaine était fêtée à Epernay la Saint-Vincent, le patron des vignerons.
A cette occasion environ 1 000 personnes, représentant 70 villages et une cinquantaine de maisons de champagne, sont descendues dans les rues sparnaciennes. Ce défilé s’inscrit dans les traditions de la région, et il permet de mettre à l’honneur ce produit qui est le vin et son terroir.

Cet événement était l’occasion de rappeler l’importance de l’industrie viticole champenoise, ses conséquences sur l’environnement et sur le quotidien des champenois-e-s. Pour certain-e-s, ces zones viticoles accrochées aux versants de la montagne de Reims reflètent un patrimoine historique indiscutable par sa longue occupation du territoire mais aussi par l’amas des richesses qu’elles occasionnent mais en réalité cette production de vin revêt un costume moins glorieux.

Rappel historique

La culture du vin est connue depuis le VIIe siècle en Champagne, le vin fut d’abord aux mains des maisons ecclésiastiques, les grands propriétaires terriens. C’est au début du XIIe siècle que le vignoble champenois est véritablement créé par la « Charte Champenoise ». Dans cette Charte est énoncé l’ensemble des possessions viticoles d’une abbaye chalonnaise (Saint-Pierre-aux-Monts), balayant un cadre géographique commun aux crus champenois actuels. A cette époque la culture de la vigne nécessitait peu d’entretiens et se développait de manière constante dans le paysage champenois. C’est à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, avec l’arrivée des maladies (phylloxéra, mildiou) et des avancées technologiques (mécanisation) que le pied de vigne est de plus en plus travaillé et modifié. Les produits chimiques sont utilisés pour contrer les obstacles à la production (maladies, ravageurs, mauvaises herbes). L’apparition des engrais chimiques et des produits phytosanitaires révolutionnent l’activité, la production change d’échelle, c’est la course au meilleur profit, meilleurs rendements. Les influences de cette course effrénée recouvrent aujourd’hui plus de 34 000 hectares du sol champenois (source : CIVC).

Conséquences sur l’environnement

La viticulture pollue l’environnement de diverses manières, la pollution est liée à l’utilisation des engins mécaniques et des produits phytosanitaires. Les engins mécaniques (tracteurs, enjambeurs) augmentent l’effet de serre et contribuent au réchauffement climatique par leurs rejets en CO2, hydrocarbures. La pollution de l’environnement par l’utilisation des traitements chimiques sur la vigne dépasse les conséquences causées par les rejets atmosphériques des engins viticoles, déjà assez conséquents.
Il existe différents types de produits phytosanitaires : les fongicides détruisent les champignons parasites, les insecticides éradiquent les insectes vecteurs de maladie ou encore les herbicides qui tuent les mauvaises herbes.

L’eau usée issue de la viticulture constitue un apport considérable de matière organique, celle-ci se déverse dans les rivières et les lacs engendrant la multiplication des micro-organismes. Ces derniers puisent l’oxygène dissout dans l’eau au détriment de la flore et de la faune du milieu naturel. Quelques éléments nutritifs contenus dans l’effluent viticole (azote) favorisent le développement d’algues à la surface de l’eau. Cette multiplication d’algues invasives déséquilibre le milieu. Elles limitent la photosynthèse pour les espèces végétales endogènes. De plus, en colonisant l’espace dévolu aux animaux, elles laissent les milieux naturels se dépeupler de leurs populations végétales et animales d’origine.

Conséquences des rejets vinicoles sur le milieu aquatique :

De plus, même si certains de ces produits toxiques ont été interdits d’utilisation, ils restent encore présents dans le sol. Une récente étude (oct. 2014) a démontré que l’érosion des sols et le labour faisaient remonter des résidus d’insecticides interdits depuis des décennies (ex : résurgence du DDT, polluant très toxique, interdit en France en 1972). Cette étude a permis de mettre en évidence la nécessité de considérer les effets des produits phytosanitaires à long terme et leurs risques eco-toxicologiques.
La viticulture est donc néfaste pour l’environnement par ses rejets atmosphériques et dans le sol. Le milieu naturel avoisinant les parcelles viticoles est perturbé par ses rejets et peine à se reconstruire à la suite de ces intoxications.

Conséquences sur l’homme

La pulvérisation dans l’air et la contamination des nappes phréatiques par les produits phytosanitaires exposent les hommes à des dangers potentiels.
Il faut savoir que la France est le quatrième consommateur mondial de pesticides, avec une utilisation de plus de 95 000 tonnes par an. Le nombre de traitements réalisés sur la vigne est environ de 8 à 18 par an. Mais seulement 2% de vignerons sont certifiés (ou en conversion) en agriculture biologique, la majorité d’entre eux utilise des produits chimiques.

La forte utilisation de ces traitements chimiques expose les salariés viticoles et les riverains des vignobles à de graves problèmes de santé. L’intoxication se fait par la peau, les voies respiratoires, oculaires ou digestives. Il existe différents types de symptômes :
- cutanés (allergies, eczémas) : liés au contact avec les fertilisants, les produits phytosanitaires, les détergents et désinfectants.
- hépato-digestifs (nausée, vomissement) : liés à la préparation de l’épandage (déficience d’étanchéité des combinaisons), du nettoyage du matériel de pulvérisation ou des équipements de protection.
- respiratoires (toux, oppression thoracique) : liés à l’asphyxie par le CO2 dégagé lors de la fermentation du vin dans les cuves, mais aussi par le dioxyde de soufre fuyant lors de la manutention des bouteilles de gaz, par la silice cristalline utilisée pour la filtration des vins et enfin par le méthane produit par les effluents viticoles.
Ces risques multiples immédiats sont connus, les risques à long terme le sont moins et souvent ce sont les plus graves : cancérigènes (prostate, tumeur au cerveau), neurologiques (Alzheimer, Parkinson), de reproduction (malformations congénitales, stérilité, mortinatalité) (I. Baldi, 1995).

Étude

L’intoxication aux produits phytosanitaires a été mise en évidence lors d’une étude réalisée en 2013. Cette étude a été menée par l’association « Générations Futures » qui lutte contre les effets des traitements chimiques avec la collaboration de Marie-Lys Bibeyran, dont le frère, ouvrier viticole, est décédé d’un cancer en 2009. L’étude se base sur la comparaison du taux d’exposition aux produits chimiques de 15 salariés viticoles avec 10 salariés non viticoles, dont 5 riverains de vignes du Médoc. Cette étude montre la présence plus élevée de substances chimiques dans les cheveux des ouvriers viticoles et des riverains des vignobles. Ainsi les salariés viticoles présentent 11 fois plus de pesticides que les non professionnels. Les riverains non professionnels possèdent, quant à eux, 5 fois plus de résidus de pesticides que ceux habitant loin des vignes. Presque la moitié (45%) des molécules identifiées sont considérées comme cancérigènes.

Même si cette analyse a été réalisée sur un faible échantillon et sur une région donnée (Médoc), elle rend compte de la présence accrue de produits chimiques et toxiques dans le corps des salariés viticoles et riverains des vignes.

Combien de morts faudra-t-il encore pour voir apparaître des lois diminuant voire interdisant l’utilisation des produits phytosanitaires dans les parcelles de vignes ?

A ce jour, une seule salariée viticole, contaminée par les pesticides, a gagné en justice contre son employeur en 2007. Fin 2013, la cour d’appel de Bordeaux a reconnu la faute injustifiable du château Monestier La Tour en Dordogne qui l’employait.

Les conséquences désastreuses sur l’environnement et sur l’homme ne peuvent-elles pas, à elles seules, démontrer l’absurdité d’un éventuel placement du vignoble champenois au patrimoine mondial de l’UNESCO ?


P.-S.

Pour aller plus loin :
Publication synthèse de centaines d’études internationales sur les effets des pesticides, Institut national de la santé et de la recherche : http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-societe/pesticides-effets-sur-la-sante-une-expertise-collective-de-l-inserm.


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