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1er Mai : Jour International des Travailleurs

Ce dimanche 1er mai, partout dans le monde, des manifestations auront lieu. Une date connue de tous qui trouve son origine dans le mouvement libertaire. Entre tentatives de récupérations des conservateurs et rituels folkloriques pour les syndicats réformistes, une grande partie de la classe ouvrière continue pourtant de faire de ce jour une journée de combat social et révolutionnaire.

A l’origine : un meurtre policier à Chicago

Le 1er mai 1886 commence une grève aux Etats-Unis pour obtenir la limitation à huit heures des journées de travail. Cette date correspond au Moving Day, le jour où l’année comptable commence, les contrats de travail et les baux de logement prennent fin ce jour-là et donc les ouvriers déménagent.

Le 3 mai, à Chicago, 80 000 ouvriers manifestent à travers la ville, la police charge et tue trois d’entre eux. Le lendemain, des milliers de travailleurs crient vengeance. A la fin de la manifestation, une bombe tombe au milieu des forces de l’ordre, un policier meurt, plusieurs manifestants chargent alors la police et sept autres policiers perdent la vie.
Les autorités arrêtent neuf syndicalistes anarchistes, un écope d’une peine de 15 ans de prison, trois prennent perpét et cinq d’entre eux sont condamnés à mort suite à un simulacre de procès, en effet l’accusation ne contenait aucune preuve et un membre de la famille du policier tué se trouvait dans le jury.
Ils sont pendus (un d’entre eux préfère se suicider dans sa cellule) le vendredi 11 novembre 1887, jour communément appelé Black Friday [1].

Internationalisation d’une journée de la lutte des classes

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Affiche pour une réunion de préparation à la manifestation du 1er mai 1890 à Lyon

Un an plus tard, en décembre, lors du congrès à Saint-Louis de l’AFL (American Federation of Labour) l’idée d’une journée annuelle de revendications ouvrières prend forme et la date du 1er mai est décidée, la première aura lieu en 1890.

Réunie en congrès à Paris en 1889, l’Internationale Ouvrière, connue comme la Seconde Internationale [2], décide également de faire de chaque 1er mai une journée de manifestation avec pour objectif la réduction de la journée de travail à huit heures.
Le 1er mai 1890, partout dans le monde, pour la première fois, la classe ouvrière de tous les pays manifeste au même moment. En France, des cortèges s’élancent dans 150 villes et à Lyon, 40 000 personnes manifestent, en Allemagne 100 000 travailleurs font grève, 50 000 en Suède, 2 000 manifestent à Buenos Aires.

Le pouvoir prend peur et répond par la violence


En 1891, à Fourmies, cité industrielle du textile, située dans le Nord, la manifestation tourne au drame, les manifestants font face à 300 soldats qui tirent, sur ordre de leur commandant, et tuent dix personnes, dont deux enfants, et en blessent une quarantaine d’autre. Kléber Giloteaux, qui portait le drapeau rouge en tête de cortège, reçoit cinq balle dans le corps. 30 000 personnes assisteront aux funérailles.
Les organisateurs de la grève sont les seuls condamnés, pour "provocation directe au meurtre"...
Le même jour, à Clichy, lors de la fin de la manifestation, la police tente de s’emparer du drapeau rouge. Dans les échauffourées qui suivent, les policiers arrêtent trois anarchistes, qui seront tabassés au commissariat. Un de ces trois anarchistes sera condamné à cinq ans de prison. Ravachol revendiquera ses actions en réponse à ces deux évènements.
Suite aux meurtres policiers de Fourmies, les manifestants portent, lors des rassemblements du 1er Mai, des églantines ou des œillets, fleurs rouges, symbole du sang versé.

En 1909, à Buenos Aires 1 500 travailleurs répondent à l’appel à la grève et à la manifestation du syndicat anarchiste FORA (Fédération Ouvrière de la Région Argentine), la police tire et tue 14 d’entre eux. Les travailleurs de tout le pays se mettent en grève et 80 000 personnes assistent aux funérailles.

Le 1er Mai dans la montée des fascismes

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Manifestation du 1er Mai 1929 à Berlin

Le 1er mai 1929, le préfet de Berlin, dépendant d’un gouvernement socialiste, interdit les manifestations organisées par les communistes. Les travailleurs décident de passer outre cette interdiction, la police ouvre le feu et tuent 33 personnes. Cet acte marque un tournant dans l’opposition entre socialistes et communistes allemands. Le KPD affirmera lors de son congrès de juin, "La social-démocratie est le soutien le plus fort du développement fasciste".

Le 1er mai 1933, les défilés ouvriers sont interdits en Allemagne, remplacés par la "Journée du Travail Allemand" et les syndicats interdits. En 1936, c’est le Japon qui interdit les manifestations. En France, socialistes et communistes manifestent ensembles. Le 1er mai 1936 sert de rampe de lancement à la grève générale de juin.

Un élargissement des revendications après la guerre

Jusque là très marqué par les revendication ouvrières, le 1er Mai va faire une place plus larges aux revendications politiques et sociales de tous les opprimés.

Le 1er Mai 1946, à Tokyo, 500 000 personnes se réunissent. C’est le premier grand rassemblement après les ravages que la guerre a engendré dans le pays, la banderole de tête porte le slogan : "Donnez-nous du riz !".

En 1948, à Stuttgart, le rassemblement prend la forme d’une grande manifestation pacifiste contre la guerre froide et le militarisme. En Afrique du Sud, le 1er Mai devient un moment de lutte contre le régime de l’Apartheid. En 1952, à Tokyo, les manifestants attaquent le palais du toujours-en-place Hirohito, un mort, des centaines de blessés et plus de 1 000 arrêtés.

En France, durant la guerre d’Algérie, le pouvoir interdit le 1er Mai. Il faudra attendre 1968 pour que le 1er Mai revienne. 100 000 personnes manifestent et marquent le début de la grève générale et d’un mouvement social qui touchera toute la France, et même au -delà...

Récupération par la classe dominante

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Affiche de l’État français pour la "Fête du Travail" en 1941

Cette date, qui contribue évidemment au développement du mouvement ouvrier, va subir de nombreuses récupérations de la part des forces bourgeoises et conservatrices.
La première de ces attaques semble évidente. Il s’agit du nom.
D’abord nommé fête des Travailleurs, le Maréchal Pétain la rebaptise "Fête du Travail" en 1941, dans le cadre de son programme Travail, Famille, Patrie. Le secrétaire général du Travail, René Belin, un ancien syndicaliste anticommuniste de la CGT, décide de rendre férié ce jour et de remplacer l’églantine par le muguet. Traditionnellement offerte à cette date, en guise de porte-bonheur depuis Charles IX, le muguet n’avait jusque-là aucun rapport avec le jour des travailleurs. Cette fête disparait à la Libération.
Cependant, le mal est fait, et lorsque les communistes réintroduisent le 1er Mai en 1948 dans le calendrier, cette date retrouve le nom de "Fête du Travail" et le muguet a définitivement remplacé les fleurs rouges.

En 1955, le pape Pie XIII, célèbre le 1er Mai dans un but de christianisation des travailleurs. Cette récupération catholique vient d’une tentative dà la fin du XIXé siècle par l’Église de contrôler le mouvement ouvrier afin d’avoir une influence sur leurs revendications, de peur de perdre les avantages que le capitalisme lui procure.

En 1988, le président du Front National organise un rassemblement entre les deux tours des élections présidentielles. Ceci sera répété chaque année et devient le fête de Jeanne d’Arc. Lors de celle de 1995, des néo-nazis tueront un jeune marocain, Brahim Bouarram.

Toujours entre deux tours, en 2012, Nicolas Sarkozy évoque la fête du "vrai travail". Cette récupération ne marche que très modérément. Sur la place du Trocadero, les partisans du candidat sortant se réunissent mais cet évènement ne touchera personne d’autre et ne sera pas reconduit l’année suivante.

Le 1er Mai est bien un jour de luttes sociales

Donc non. Le 1er n’est pas la fête du Travail, ni celle d’une quelconque pucelle, ce que la classe ouvrière célèbre le 1er Mai correspond à la journée internationale de iutte des travailleurs, elle tient son origine de Chicago, de Fourmies et de toutes les luttes ouvrières. Il s’agit d’un jour de revendications et de combats pour les exploités de tous les pays. Rosa Luxembourg l’exprima ainsi :

« Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1° mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1° mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé. »


P.-S.

Notes :
[1] : un article plus complet sur les évènements de Chicago en 1886 sur Rebellyon

[2] : Si la Première Internationale a des bases anarchistes, la Seconde Internationale se veut plus réformiste, l’idée que "l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-même" est contestée, les anarchistes sont exclus de cette Internationale. Néanmoins, en 1904, l’Internationale Ouvrière rejette le réformisme puis en 1907 la guerre. L’opportunisme politique des dirigeants socialistes les conduit pourtant à voter, en 1914, les crédits militaires et les pacifistes sont exclus. La guerre puis la Révolution Bolchévik éclatera la Seconde Internationale.


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